• LA PRINCESSE ET LA LICORNE

     

     

    Il était une fois, il y a très longtemps, dans un lointain pays, un roi ténébreux qui vivait dans un château sombre et silencieux. 
    Ce roi avait vécu tant de souffrances qu’il s’était réfugié dans cette forteresse pleine de fantômes d’où personne ne pouvait le déloger..
    Il avait une fille.Elle grandissait dans cet environnement austère, sans contacts extérieurs,élevée par sa maman, une reine douce et timide.La princesse avait appris à raser les murs quand les colères du roi, en proie aux démons que lui seul voyait, faisaient trembler jusqu’aux fondations du château.Elle parlait peu, souriait toujours, pour ne pas briser le silence pesant qu’exigeait la maladie du roi.
    Mais elle écoutait beaucoup, de tous ses sens. Le jour de ses seize ans, elle pris son courage à deux mains, et demanda la permission de sortir du château.La reine se figea sur son ouvrage; le roi fit mine de n’avoir rien entendu. « Papa, je voudrais sortir du château, s’il te plait ».
    « Va, ma fille, si c’est ce que tu veux,mais dehors tu n’auras que des ennemis».La reine tourna la tête pour cacher ses larmes. La princesse tremblante mais déterminée, pris pour la première fois la direction du pont levis.
    Le coeur gros, elle commença son voyage.Elle s’engagea sur la seule route qu’elle avait pu apercevoir d’une des meurtrières du château.Elle traversa des lieues de désert gris en évitant les rencontres.Un jour, elle décida de changer de direction ;son intuition lui susurrait qu’il devait y avoir autre chose, ailleurs. 
    Rapidement, le paysage changea curieusement.L’herbe et la végétation se permirent des audaces de formes et de couleurs,les oiseaux s’échangeaient gaiement leurs plus belles trilles, l’eau claire des ruisseaux sautait de rochers en rochers.Son cœur battait fort.Malgré la beauté des lieux elle se sentait anxieuse, elle n’avait peut-être pas le droit d’être là ? Alors, au détour d’un sentier étroit, alors qu’elle allait rebrousser chemin, elle s’arrêta net. Une créature magnifique se tenait devant elle, grande,blanche, irréelle, comme elle n’en avait vue que dans ses livres : une licorne…Avec un regard infiniment doux, l’animal s’avança vers la jeune fille.
    « Bonjour, lui dit la licorne
    - Bonjour. Comme vous êtes belle !
    - Toi aussi .Qu’est ce qui t’amène par ici ?
    - Je ne sais pas au juste, je suis désolée.J’avance depuis de longs jours sans savoir ce que je cherche.
    - Je vois.Tu n’as pas à être désolée.Puis je t’accompagner ? Je pourrais te présenter mes amis ?»
    Elles cheminèrent ensemble, le jeune fille aux pas mal assurés racontant son enfance, la licorne légère posant ses sabots à ses côtés.En chemin, elles rencontrèrent l’escargot, qui raconta le plaisir de sa vie lente et sa façon de profiter de la moindre goutte d’eau de pluie pour savourer le bonheur d’être en vie. Puis le papillon éblouissant qui savait ce qu’était une métamorphose; un majestueux cygne blanc lui conta une drôle d’histoire de vilain petit canard; une grenouille,qui avait longtemps vécu dans un puits,lui narra les difficultés de croire aux étangs, aux lacs, à la mer…
    La princesse eut très souvent peur de ces créatures inconnues, douta parfois de ces histoires extraordinaires.Elle avait entendu tant de mises en garde pendant son enfance. Alors quand elle était trop fatiguée , la licorne la prenait sur son dos .Au bout de quelques jours, le jeune fille lui fit suffisamment confiance pour s’y endormir et se laisser guider. Finalement, il faisait bon dans cet étrange pays.Elle traversa de nouveaux paysages, fit d’autres rencontres, toutes plus étonnantes les unes que les autres. Elle fut souvent maladroite, ses erreurs lui donnèrent parfois envie de se cacher comme le bernard l’hermite. Mais la licorne était là, qui acceuillait ses faux pas d’une grande sollicitude, lui expliquait ce monde sans la brusquer. Elle lui apprit aussi à se défendre ou à dire non,car c’était parfois nécessaire. En échange, la princesse grimpait dans les arbres pour cueillir des fruits ou les fleurs qui agrémentaient les repas de la licorne. Celle ci semblait toujours savoir quand la princesse avait besoin d'assistance. Petit à petit la princesse pris confiance en elle en intégrant les conseils de sa nouvelle amie. L'aide de l'animal se fit plus discrète.
    Elle compris aussi qu’elle ne pourrait redonner de couleurs aux joues de ses parents si ceux ci s’entêtaient à rester cloitrés.Elle chargeait des colombes de leur envoyer des herbiers, des dessins d’oiseaux...
    Alors sa vie devint gaie, colorée, riche d’expériences et d’êtres très différents, passionnants. 
    Et ce ne fut là que le début, d’une très, très longue et très belle histoire…..

     

     


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  • CARESSE DU VENT CONTE DU MONDE

     

    Il y a bien longtemps, si longtemps que nul ne se souvient du moment où c’était, vivait sur la terre un peuple en communion totale avec la nature. Ils chassaient, pêchaient, construisaient des embarcations dans des troncs d’arbres brûlés ou fabriquaient des mocassins pour ne pas avoir mal aux pieds. L’organisation de cette société était parfaite à bien des égards et les nombreuses tribus qui composaient ce peuple vivaient en harmonie.
    Dans une de ces tribus, il y avait un chaman appelé "Celui-qui-Sait-Tout". Il avait le pouvoir de guérir les maladies et de communiquer avec le monde de l’au-delà et les forces spirituelles qui habitent chaque élément de la nature : les animaux, les plantes, les astres, la pluie... Celui-qui-Sait-Tout avait une fille très belle prénommée "Caresse-du-Vent". Tous les guerriers de la tribu rêvaient de l’épouser parce qu’elle était pourvue de nombreuses qualités. Elle ne regardait aucun des guerriers qui lui faisaient la cour. Tout le jour, elle rangeait, nettoyait, faisait mille corvées pour elle mais aussi pour ses voisins. Jamais elle ne refusait de rendre un servie. Son tepee était le mieux rangé de la tribu et tout le jour, elle était affairée.

    Une nuit, pendant la saison des fruits bien mûrs, Caresse-du-Vent a fait un songe. Un Manitou lui est apparu. 
    Le Manitou est un personnage qui possède des dons surnaturels - c’est la représentation vivante d’une des forces de la nature.
    Celui qui vient dans son rêve est le Manitou de l’Air. Il lui apprend qu’il l’aime depuis le premier jour où il l’a vue et que jamais elle ne trouvera sur la terre aucun homme qui réussira à la rendre aussi heureuse que lui.

    Le matin, lorsqu’elle se réveille, elle se souvient très bien de son rêve et elle en est troublée. Elle sort de son tepee pour aller chercher de l’eau fraîche et trouve juste devant l’entrée une superbe paire de mocassins brodés de perles multicolores. Sa jeune sœur "Perle-d’Orage" qui sort en même temps qu’elle trouve les mocassins fort à son goût et les lui demande. Caresse-du-Vent les lui donne et toutes les deux partent vers la rivière.

    Chaque nuit, le rêve se reproduit. Chaque matin, lorsqu’elle sort de son tepee, Caresse-du-vent trouve un nouveau présent devant l’entrée : un collier, une tunique de peaux, un bandeau, une ceinture. A chaque fois, elle donne les cadeaux à sa jeune sœur qui est bien heureuse d’avoir une sœur aussi généreuse.

    Mais à force de mal dormir la nuit, Caresse-du-Vent perd sa gaieté naturelle et ses forces semblent d’amenuiser. Elle reste souvent songeuse pendant de longs moments. Son père qui l’observe depuis plusieurs lunes se résout à lui parler un soir car il a bien compris d’où venait le tourment de sa fille.

    - Dis moi, Caresse-du-Vent, tu sembles bien triste depuis la lune des cerises rouges. T’est-il arrivé quelque chose ? Si tu as du souci, je peux certainement t’aider.

    Caresse-du-Vent ne détourne pas les yeux. Elle s’assied à côté de son père et lui raconte l’objet de son trouble.

    - Père, je suis jeune et il est grand temps que je prenne un époux mais nul guerrier de la tribu ne me plaît. Chaque nuit, dans mes songes, le Manitou de l’air me demande de devenir son épouse. Je ne sais pas quoi faire et surtout, je ne sais pas comment le rencontrer car je sens que je l’aime un peu plus chaque jour. Chaque matin, lorsque je m’éveille, je trouve un présent devant le tepee. Je l’offre à Perle-d’Orage car je ne peux accepter de si beaux présents.

    Celui-qui-Sait-Tout n’est pas étonné. Il se met à réfléchir et demande à ne pas être dérangé durant trois jours. Il entonne alors un chant magique qu’il psalmodie. Au bout des trois jours, il appelle sa fille :

    - Caresse-du-Vent, j’ai parlé au Grand-Esprit. Tu dois maintenant décider de ton avenir. Si tu veux trouver le Manitou de l’Air, il te faut quitter la tribu et entreprendre un long voyage pour retrouver celui que ton cœur aime. Le Grand-Esprit y met cependant une condition : jamais tu ne pourras revenir parmi nous car tu vas subir une métamorphose.

    Caresse-du-Vent sent très bien ce qu’elle doit faire. Elle aime son père, sa jeune sœur et sa tribu mais elle est certaine aussi qu’elle aime plus que tout le Manitou de l’Air. Elle n’a pas peur d’une métamorphose. Elle rassemble quelques affaires et se met en chemin dès le matin du jour suivant après avoir serré longuement son père et sa sœur dans ses bras.

    Elle marche tout le jour sans prendre le temps de s’arrêter. Au moment où le soleil est se couche, la faim commence à la tenailler. Elle s’installe dans le creux d’un gros rocher non loin d’un cours d’eau, mange quelques galettes de maïs et boit un peu d’eau. La fatigue l’enveloppe et elle s’endort bientôt. En rêve, elle voit à nouveau le Manitou qui lui dit qu’ils seront très bientôt réunit. Au matin, Caresse-du-Vent s’éveille. Au moment de se mettre debout, elle ne peut utiliser ses bras ; ceux-ci sont devenus de grandes ailes, ses pieds, des serres et son nez, un bec.

    Avec beaucoup de difficultés, elle arrive sur le bord de la rivière et voit son reflet dans l’eau. D’une belle jeune femme, elle est devenue un aigle royal. Le choc est si grand, qu’elle se met à pleurer. Soudain, à côté de son reflet, elle voit un second reflet - un second aigle royal.

    - Bonjour Caresse-du-Vent, je suis le Manitou de l’Air et le Manitou plus heureux du monde. En la regardant, il s’aperçoit de ses larmes qui ruissellent et tombent sur le sol. Pourquoi pleures-tu ? Ton père et ta sœur te manquent ? Es-tu malade ?

    - Ce n’est rien répond-elle en essuyant ses larmes d’un coup d’aile. J’ai été surprise par mon apparence. Je suis moi aussi bien heureuse de te rencontrer enfin. Il y a si longtemps que je t’attends.

    - Partons, dit le Manitou de l’Air. Les chasseurs ne vont pas tarder à arriver dans la plaine et il ne faudrait pas qu’il t’arrive quelque chose.

    Si le Manitou de l’Air s’envola sans problème, Caresse-du-Vent éprouva bien plus de difficultés. Elle prit de l’altitude avec difficultés, manqua de retomber sur le sol mille fois mais finit par s’affranchir. Ils passèrent tous deux au-dessus de la tribu où vivait Caresse-du-vent juste au moment où le chaman sortait de son tepee. Celui-ci leva la tête et sourit. Il avait reconnu sa fille qui s’envolait vers son destin. Il ne fit cependant aucun signe et Caresse-du-vent poursuivit sa route avec un petit pincement de cœur.

    Ils volèrent très longtemps et arrivèrent dans l’antre du Manitou de l’Air. Un désordre indescriptible y régnait. Tout était sans dessus-dessous. Le manitou de l'Air raconta à Caresse-du-Vent qu’il ne parvenait pas à remettre de l’ordre chez lui car le vent du Nord, le vent de l’Est, le vent de l’Ouest et le vent du Sud ne faisaient pas attention lorqu’ils rentraient de leurs voyages. Il avait beau leur demander de respecter sa demeure mais à chaque fois, au lieu de l’écouter, ils se mettaient à souffler plus fort encore.

    Nullement découragée, Caresse-du-Vent entreprit de ranger sa nouvelle demeure. Sans doute précédée de sa réputation, aucun des vents n’osa jamais souffler à l’intérieur et la demeure resta propre et bien rangée.

    Caresse-du-Vent et le Manitou de l'Air vivent depuis très heureux. De leur histoire, une expression est née : " L’air ne fait pas la chanson " évidemment, puisqu'il fait les grandes histoires d’amours.

     


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    Nils et Johan habitent au bord de la mer. C’est l’hiver. On raconte que l’Ondin gèle la surface de l’eau pour se protéger du froid au fond de sa retraite sous-marine. Les enfants veulent voir si la glace porte. Leur mère leur recommande de ne pas s’éloigner du bord, pas plus loin que les branches de saule.

     

    - "L’ondin essaiera de vous vous attirer sous l’eau. Il s’ennuie depuis que ses filles sont grandes et sont parties."

     

    Les deux garçon s'aventure sur la glace qui craque, ce qui les fait rire. Johan dépasse la limite, passe au travers de la glace. Il tombe dans les bras de l’Ondin, vieillard au regard bienveillant et à la longue barbe blanche.

     

    - "Tu verras comme nous nous amuserons bien ensemble."

     

    L’Ondin conduit l’enfant à travers son palais de cristal, soutenu par des colonnes de corail, jusqu’à l’ancienne salle de jeux de ses filles. Des jouets à profusion, comme Johan n’en a jamais vu. Un harnachement en algues pour mener l’Ondin comme un cheval. Un sifflet, présent de la tempête. Des bulles d’air qui montent comme des ballons d’enfant et emmènent Johan jusqu’au toit de cristal. Johan aime par-dessus tout jouer avec le dauphin. Lui et l’Ondin prennent place dans une coquille de nacre et le dauphin les mène dans la mer à une vitesse folle.

     

    Le soir, l’Ondin se décide à ramener Johan sur la terre, un enfant ne peut passer plus d‘une journée sous l‘eau, il doit aller respirer. Ils passent la tête au travers du trou par lequel Johan est tombé.

     

    Sur la rive, la maison de Johan. Celui-ci aurait pu y courir. Mais l’Ondin s’est attaché à l’enfant, il joue de sa harpe d’or. Johan oublie tout pour l’écouter.

     

    Sur la rive, père et mère pleurent leur fils qu’ils ont recherché en vain. Ils ne voient que des ombres et croient que le chant de la harpe est le murmure du vent. Le père rentre, la mère s’obstine, appelle. Mais Johan ne l’entend pas, il écoute les histoires passionnants que lui conte l’Ondin.

     

    Par trois fois, Johan croit entendre quelque chose, l’Ondin le ramène à son histoire. L’enfant prend peur de son regard maintenant glauque, se cramponne au bord. Il entend maintenant sa mère qui lui promet le baiser du soir. Johan crie, la mère s’aventure jusqu’au bord du trou où Johan est cramponné. Elle prend l’enfant dans ses bras, le ramène à la maison.

     

    Ce soir-là, Johan a reçu beaucoup de "baisers du soir ". Par la suite, Johan n'est plus si audacieux, il ne veut plus retourner chez l’Ondin. Mais souvent son regard se dirige au-delà des saules. Il aimerait tant connaître la fin de l’histoire racontée par l’Ondin.

     

    Jamais il ne l’a revu.

     

    D’après Le château du soleil, in Svéa, contes suédois par Hylten, Cavalius et Hofberg. La Sixaine, 1947

     


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    Il était une fois, dans la plaine du Nord, un petit renne blanc comme la neige. Au milieu de sa famille rassemblée autour du traîneau de Noël prêt à partir, il regardait tour à tour le grand renne et le Père Noël.
    Il s'approcha du Père Noël, glissa sa tête sous son gant et lui demanda :

    S'il te plaît, est-ce que je peux vous accompagner ?

    Le Père Noël sourit et lui expliqua :

    Cette nuit de Noël serait trop longue pour toi ... Je pense que tu seras mieux ici !

    L'an prochain, tu pourras venir ! ajouta le grand renne.

    L'an prochain ? soupira le petit renne blanc. Mais c'est loin... l'an prochain !

    Avec de la tristesse plein les yeux, il regarda le traîneau s'éloigner. Le manteau du Père Noël ne fut bientôt plus qu'une minuscule étoile rouge à l'horizon. Les autres petits rennes l'invitèrent à jouer, mais il hocha la tête en regardant le ciel. 
    Sous la clarté de la lune, les arbres, habillés de neige scintillante, se dressaient merveilleusement. Il faisait presque aussi clair qu'en plein jour. Soudain, le petit renne blanc aperçut quelque chose au pied d'un sapin. Il trottina jusque-là, et que vit-il ? Un paquet !

    " Il est certainement tombé du traîneau ! " pensa-t-il, et il n'hésita pas une seconde.

    Avec la plus grande délicatesse, il souleva le paquet avec ses bois et avança dans les traces du traîneau.
    La neige crissait, craquait sous ses pas. Lorsqu'il franchissait les miroirs de glace, ses sabots faisaient de petits bruits secs. Le petit renne blanc était heureux. Il se sentait tout léger à l'idée de rejoindre le père Noël et le grand renne avec, dans ses bois neufs, un peu de leur précieux chargement.

    Mais arriverait-il à temps ?

    C'est alors que, occupé par cette pensée, il dévala malgré lui, au galop, une pente vertigineuse et arriva un peu brutalement au pied d'un arbre. A demi assommé, il cligna des yeux, releva ses pattes une à une et finit par se redresser.

    " Ouf ! je n'ai rien ! " se dit-il.

    Mais il réalisa soudain que ses bois étaient vides.

    " Le paquet ? ... Où donc est le paquet ? " se demandait-il en fouillant du regard autour de lui. Il contourna les arbres les plus proches : pas de paquet ! Il grimpa sur un petit rocher. Il regarda bien de tous les côtés : toujours pas de paquet !

    "Il ne peut pas être bien loin ! " se répétait-il pour se rassurer. Il fit encore quelques pas, et, au pied d'une touffe de houx, que vit-il ? Le paquet. Il fit deux ou trois cabrioles tant il était content. Délicatement, il le reprit entre ses bois et poursuivit son chemin.
    En traversant une plaine blanche, le petit renne blanc aperçut enfin un village. Il se sentait de plus en plus léger. De temps en temps, il levait les yeux vers le ciel étoilé. De son gros oeil rond, la lune semblait le surveiller. Les flocons s'étaient remis à tomber. A l'entrée du village, dans toute sa blancheur, la neige s'étalait comme un vrai tapis que personne n'avait osé froisser. Le petit renne blanc avait perdu les traces du traîneau ! Il ne savait plus par où se diriger. Il avança dans une première rue. Les maisons silencieuses semblaient dormir profondément. Pas un bruit ! Ni dans cette rue ni dans aucune autre.

    " Je vais bien finir par les retrouver ! " se disait-il pour se donner du courage. 
    Il fit encore quelques pas, et, à l'angle d'une maison, que vit-il ? Le traîneau, puis le grand renne, puis le Père Noël. Tout guilleret, il les surprit en leur adressant un

    "Joyeux Noël ! "

    Le Père Noël se retourna et son visage s'illumina :

    Le cadeau que je cherchais ! Je peux dire que tu arrives à temps !

    Il ne savait comment le remercier. Il enleva son gant pour mieux lui caresser le museau. Qu'il était beau, le petit renne blanc avec dans ses bois veloutés le petit paquet auquel s'étaient accrochés quelques feuilles de houx et de gui !
    Aujourd'hui encore, ces perles rouges ou blanches se mêlent au décor de Noël.
    Le Père Noël prit le paquet et disparut dans une maison, tandis que le grand renne, fier du petit renne blanc, lui manifestait sa joie.

     


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    Il y a très très longtemps, dans un pays baigné par la mer et le soleil, vivait un riche seigneur très puissant. Son peuple lui était fidèle et le respectait ou plutôt il le craignait. Ce seigneur possédait tout ce qu’un seigneur peut posséder et pourtant, il n’était pas heureux. Son malheur venait de son mauvais caractère. Il se mettait en colère pour des riens, n’était jamais satisfait, n’aimait rien et ne désirait rien. Bien plus, il terrorisait ses domestiques et se montrait souvent sans cœur pour son bon peuple.
    Mais en plus d’être colérique, il était belliqueux et il attaquait ses voisins sans raison. Un matin, il décida de partir en guerre contre son voisin du Sud. Ses troupes étaient nombreuses et bien armées et elles eurent tôt fait de gagner la bataille et d’agrandir la terre du seigneur qui n’en avait pourtant pas besoin. Malgré cette victoire, le seigneur n’était toujours pas heureux.

    Les troupes revinrent au pays. Elles furent acclamées par la foule. Les rues avaient été décorées de guirlandes de fleurs et de papier pour l’occasion. Les fanfares jouaient au coin de chaque rue. Les femmes et les enfants dansaient sur les places. Et le soir, un immense feu d’artifice fut tiré depuis les hauteurs de la ville. C’était le plus beau feu d’artifice qu’on n’ait jamais vu de mémoire d’homme. Le peuple était heureux. Mais le seigneur, loin de se réjouir gardait la mine renfermée et n’était toujours pas heureux.

    Le peuple se posait bien des questions sur son seigneur triste. A force de le voir, le visage fermé et d’entendre ses soupirs, chaque habitant se sentit lui aussi gagné par la tristesse. Le seigneur s’en redit compte et il ne comprenait pas pourquoi ses sujets affichaient des regards tristes. Il fit seller son plus beau cheval et parcouru toutes les rues de la ville. Chaque fois qu’il rencontrait quelqu’un, il lui demandait : "- Dis-moi : qu’est-ce qui ne va pas ? Parle, je te l’ordonne."

    L’homme courbait le dos mais n’osait avouer la cause de sa tristesse. Ils craignait la colère du seigneur s’il lui disait la vérité. Tout les gens étaient fatigués de se battre sans raison, d’attaquer sans être provoqué, de vaincre des voisins qui quelques temps plus tôt étaient des amis et de trembler à chaque instant dans la peur de ne pas satisfaire le seigneur.

    Irrité par le silence de son peuple, le seigneur cravacha son cheval et s’en fut dans la campagne. Il galopa longtemps, longtemps, quand soudain, il entendit un bruit étrange. Ce bruit ressemblait au clapotis de l’eau mais il n’y avait pas d’eau à cet endroit. Intrigué, il arrêta sa monture et tendit l’oreille pour mieux percevoir le frémissement sonore.

    A quelques pas de lui, un petit garçon aux cheveux châtains foncés et à la peau matte était agenouillé sur le sol. Il était tellement occupé par son travail qu’il ne remarqua même pas la présence du seigneur. Une à une, le petit garçon plantait des petite graines qu’il sortait d’un petit sac en jute. Il chantonnait une chanson très douce qui ressemblait à l’eau qui caresse les pierres.

    En le voyant ainsi affairé, le seigneur sentit monter en lui une grosse colère. C’était bien la première fois que quelqu’un ne faisait pas attention à lui. Il se contint cependant car il était intrigué par la chanson. Au bout de quelques minutes, le seigneur qui n’était pas patient, se mit à toussoter et le petit garçon le regarda un sourire sur les lèvres. Ses grands yeux croisèrent ceux du seigneur qui sous le poids du regard de l’enfant sentit fondre sa colère comme par enchantement. Le petit garçon s’inclina respectueusement et tendit au seigneur son petit sac de jute contenant les graines. Il s’en empara et sans même le remercier cravacha son cheval et s’en retourna vers son palais.

    Quand le soir arriva, il posa le sachet de graines à côté de son oreiller et s’endormit. Au matin, il s’éveilla plein de force et d’énergie comme les matins où il décide de partir à la guerre. Mais aujourd’hui, pas de guerre ! Il avait une bien meilleure idée. Il descendit dans son jardin et se mit à labourer la terre.

    Vous imaginez sans peine la surprise de ses sujets. Le seigneur travaillait dans les jardins du palais en suant sous le soleil. Jour après jour, mois après mois, par tous les temps, la pluie, la neige, le gel, il laboura, sema, nettoya les jardins en ne ménageant pas ses efforts.

    Un matin, le printemps apparu. L’air embaumait d’une senteur nouvelle. Les oiseaux dans le ciel chantaient des mélodies aux accents inconnus. Dans les rues, sous les rayons du soleil, les gens se parlaient en riant. Mais le seigneur ? Où était le seigneur ? Pourquoi ne se réjouissait-il pas avec ses sujets ?

    Il se tenait tout seul, à l’écart de tous. Dans sa main, il tenait un petit bouquet de fleurs et de grosses larmes coulaient le long de ses joues. Il était triste de ne pas savoir pourquoi il était triste. Partout autour de lui, ce n’était que joie et bonheur mais dans son cœur, la peine était encore plus grande qu’à l’habitude. Il avait tant travaillé pour donner un superbe jardin au palais. Il avait cru qu’en se dépensant sans compter, il trouverait enfin la clé qui mène à la joie. Hélas ! Mille fois hélas !

    Il se désespérait lorsqu’il vit arriver à ses côtés le petit garçon. Il avait bien un peu grandi depuis le jour où il l’avait rencontré dans la campagne mais il le reconnut sans peine à ses grands yeux et ses cheveux foncés.

    - "Bonjour, dit l’enfant. Je m’appelle Jeremy. Regarde autour de toi, Seigneur. Regarde avec ton cœur : l’herbe, les fleurs, les oiseaux, les papillons, les gens. Tu sais, c’est là le secret du bonheur".

    Il ouvrit les yeux et pour la première fois de sa vie, le seigneur vit les choses et les êtres comme jamais il ne les avait vus auparavant. Il remarqua les couleurs, entendit les chants, sentit les odeurs et la joie emplit son cœur. Il éprouva à cet instant un amour sincère pour son peuple et il se dit qu’il était grand temps de songer à se marier et à fonder une famille. En regardant Jeremy, il pensa que ce serait merveilleux d’avoir un petit garçon comme lui. Il lui prit la main et l’emmena dans son palais.

    Quelques temps plus tard, le seigneur se maria et on raconte qu’il a eu de nombreux enfants et a vécut très heureux car il avait compris que le bonheur vivait dans les choses les plus simples qu’on a bien souvent à portée de la main.

     

     


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