• au cirque

     

     

    Ah ! si le clown était venu !

    Il aurait bien ri, mardi soir :

    UN magicien en cape noire

    A tiré d'un petit mouchoir Un lapin,

    puis une tortue

    Et, après, un joli canard.

    Puis il les a fait parler

    En chinois, en grec, en tartare.

    Mais le clown était enrhumé :

    Auguste était bien ennuyé.

    Il dut faire l'équilibriste

    Tous seul sur un tonneau percé.

    C'est pourquoi je l'ai dessiné

    Avec des yeux tout ronds, tous tristes

    Et de grosses larmes qui glissent

    Sur son visage enfariné.

    Maurice Carême 


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  • L'homme n'est jamais content

     

    Tout ne va pas, dans ce bas monde,

    Toujours au gré de nos désirs,

    Et bien souvent un ver immonde

    Se glisse au coeur de nos plaisirs.

     

    Alors nous faisons bouche amère ;

    Nous nous plaignons de notre sort,

    Et toujours notre dépit éphémère

    Trouve des charmes à la mort.

     

    L'homme est étrange créature !

    Si sottement il se conduit

    Que, pour un peu de pourriture,

    Il jette au loin le meilleur fruit.

     

    L'homme se tourmente de chimères,

    Il court après ce qui n'est pas ;

    Il est la cause de ses misères ;

    Puis lâchement redoute le trépas !

     

    Nous avons cent raisons pour rire,

    Contre une, à peine, pour pleurer ;

    Sachons donc le voir et le dire,

    Et cessons enfin de tant soupirer.

     

     

    Frédéric Caumont

     


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  •  

    Heureux qui, retiré du monde,

    De ses faux plaisirs dégoûté,

    Jouit dans une paix profonde

    Des douceurs de la liberté !

     

    Heureux qui, de la solitude

    Mettant à profit les loisirs,

    De son cœur fait sa seule étude,

    De ses devoirs fait ses plaisirs !

     

    Heureux qui, bien avec lui-même,

    Exempt de soins ambitieux,

    N'aspire qu'à l'honneur suprême

    De régir son âme et ses vœux !

     

    Heureux qui dans l'indifférence

    Brave l'amour et ses tourments,

    Et qu'une triste expérience

    N'a point fait sage à ses dépens !

     

    Heureux qui, peu jaloux de plaire,

    Et d'entraîner tous les esprits,

    D'un seul ami tendre et sincère

    Connaît l'inestimable prix !

     

    Heureux qui, rival d'Epicure,

    Accessible à la volupté,

    Aux doux liens de la nature

    Permet d'enchaîner sa fierté !

     

    Heureux qui, dans la noble ivresse

    D'un cœur épris de la vertu,

    Sans nul écart, de la sagesse

    Suit le sentier trop peu battu !

     

    Heureux enfin qui, sans envie,

    Sans regrets, voit ses jours finir,

    Et qui n'a joui de la vie

    Que pour mieux apprendre à mourir !

     

     

    Janson de Sailly

     


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    Recueil : Les poésies inédites (1801)

    Rions, chantons, aimons, buvons :

    En quatre points c'est ma morale.

    Rions tant que nous le pouvons,

    Afin d'avoir l'humeur égale.

     

    L'esprit sombre, que tout aigrit,

    Tourmente ce qui l'environne ;

    Mais l'homme heureux qui toujours rit

    Ne fait jamais pleurer personne.

     

    Quand Dieu noya le genre humain

    II sauva Noé du naufrage,

    Et dit en lui donnant du vin :

    « Voilà ce que doit boire un sage. »

     

    Buvons-en donc jusqu'au tombeau :

    Car, d'après l'arrêt d'un tel juge,

    Tous les méchants sont buveurs d'eau ;

    C'est bien prouvé par le déluge.

     

    Un cœur froid qui jamais n'aima

    Du ciel déshonore l'ouvrage ;

    Et pour aimer Dieu nous forma,

    Puisqu'il fit l'homme à son image.

     

    II faut aimer ; c'est le vrai bien ;

    Suivons, amis, ces lois divines ;

    Aimons toujours notre prochain,

    En commençant par nos voisines.

     

     

    Louis-Philippe de Ségur

     


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    Recueil : Les fleurs d'automne (1847)

    Lorsque tu nais, enfant, pour apaiser tes pleurs

    Un hochet t'est donné qui calme ta misère ;

    Pour toi, pauvre bouton né de vivantes fleurs,

    Le premier des hochets est le sein de ta mère.

     

    Après, — des jours riants autour de ton berceau,

    Un par un sur ton front tressent une couronne ;

    — C'est l'espoir de la vie : — en est-il un plus beau ?

    Ce hochet des hochets c'est Dieu seul qui le donne.

     

    Puis alors, tu grandis par des jours moins sereins,

    Par de légers tourments ton enfance est suivie ;

    Et le hochet qu'on offre à tes premiers chagrins,

    C'est l'étude sévère, — âme de notre vie.

     

    Enfin l'adulte arrive ; oh ! déjà, pauvre enfant,

    Les pensers par milliers prennent ta tête folle ;

    Tu rêves pour hochet un avenir brillant,

    Et celui que tu prends, souvent hélas ! s'envole.

     

    L'âge viril alors sait choisir le hochet

    Que Dieu dans ton cerveau, durant ta longue enfance,

    Par un secret profond sans cesse te cachait,

    Et que font découvrir l'âge et l'expérience.

     

    Le Temps avec son aile a blanchi tes cheveux

    Si noirs, si beaux jadis, et dont la moitié tombe ;

    Il te donne un bâton pour que tu marches mieux,

    C'est ce dernier hochet qui conduit à la tombe.

     

     

    Jules Bertrand

     


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