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    Le printemps maladif a chassé tristement
    L’hiver, saison de l’art serein, l’hiver lucide,
    Et, dans mon être à qui le sang morne préside
    L’impuissance s’étire en un long bâillement.

    Des crépuscules blancs tiédissent sous mon crâne
    Qu’un cercle de fer serre ainsi qu’un vieux tombeau
    Et triste, j’erre après un rêve vague et beau,
    Par les champs où la sève immense se pavane

    Puis je tombe énervé de parfums d’arbres, las,
    Et creusant de ma face une fosse à mon rêve,
    Mordant la terre chaude où poussent les lilas,

    J’attends, en m’abîmant que mon ennui s’élève…
    – Cependant l’Azur rit sur la haie et l’éveil
    De tant d’oiseaux en fleur gazouillant au soleil.

    Stéphane Mallarmé


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    Il doit être minuit. Minuit moins cinq. On dort.
    Chacun cueille sa fleur au vert jardin des rêves,
    Et moi, las de subir mes vieux remords sans trêves,
    Je tords mon cœur pour qu’il s’égoutte en rimes d’or.

    Et voilà qu’à songer me revient un accord,
    Un air bête d’antan, et sans bruit tu te lèves
    Ô menuet, toujours plus gai, des heures brèves
    Où j’étais simple et pur, et doux, croyant encor.

    Et j’ai posé ma plume. Et je fouille ma vie
    D’innocence et d’amour pour jamais défleurie,
    Et je reste longtemps, sur ma page accoudé,

    Perdu dans le pourquoi des choses de la terre,
    Ecoutant vaguement dans la nuit solitaire
    Le roulement impur d’un vieux fiacre attardé.

    Jules Laforgue


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    Bien au chaud au fond de son terrier, Pinou lève une paupière et s’étire longuement. - Qu’est-ce qu’il y a? demande-t-il.

    - Vous avez déjà oublié? répond-elle. Nous avons des œufs à préparer! Demain, c’est le dimanche de Pâques, et les enfants d’ici comptent sur nous! En quelques secondes, Pinou et ses deux frères sont sur pattes. Trois boules de poils suivent leur maman et sortent sous le frais soleil d’avril, direction la fabrique de chocolat, en même temps que des dizaines d’autres lapins. Pinou est grognon.

    - C’est la tradition, mon mignon.

    - N’empêche que, du coup, des œufs en chocolat, on n’en a pas! marmonne Pinou. Bientôt, les lapins sont au travail dans une immense clairière où bouillonnent des chaudrons. Soudain, le ciel semble s’obscurcir. Tous lèvent la tête et voient une nuée de cloches ailées traverser le ciel et disparaître à l’horizon. Pinou reste un moment le museau au ciel, rêveur. Juste assez longtemps pour apercevoir une dernière cloche, toute petite, qui voyage à la traîne. - Vas-y, tu peux les rattraper! l’encourage-t-il de plus belle. Il lui semble que dans le ciel, la petite cloche a ralenti, comme si elle l’avait entendu, puis elle disparaît à son tour.

    Ensuite, toute la journée, Pinou verse du bon chocolat chaud dans des moules de tailles variées tandis que, plus loin, ses frères emballent les œufs.

    Le soir venu, les lapins chargés d’œufs descendent vers les villages de la vallée. Pinou, fatigué, laisse les autres partir devant lui. Lorsqu’il soulève enfin sa brouette, les autres sont des taches minuscules sur la montagne. Il arrive bientôt dans le jardin qu’on lui a désigné. Il repère le nid qui l’attend, y dépose ses œufs, les contemple une minute, quand même tenté d’en goûter un, mais il résiste à la tentation.

    Plus tard, avant de se glisser dans son terrier, il regarde une dernière fois le ciel, étoilé maintenant. Un petit point noir le traverse lentement, comme un oiseau. Le lendemain, au réveil, il passe un poil de museau dehors. Mais, foulant ensuite l’entrée du terrier, il se fige: qui a construit ce nid d’herbe tendre posé devant lui?

    Il s’approche. Au milieu, serrées l’une contre l’autre, il découvre trois carottes d’une couleur étrange. En se penchant, il comprend. Les carottes sont en chocolat… A côté du nid, abandonnée, repose une plume. Pinou lève les yeux au ciel.

    - Merci pour ce cadeau, petite cloche perdue! lance-t-il au ciel bleu. Puis, en criant de joie, il court réveiller ses frères.


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    L'origine la plus connue du premier avril remonterait à l'époque du roi de France Charles IX. Ce dernier décida en 1564 d'une réforme calendaire : alors que l’année commençait en France à Noël, à Pâques ou encore dans certaines régions le 25 mars avec une prolongation des fêtes jusqu'au 1er avril, l’édit de Roussillon fit commencer la nouvelle année le 1er janvier. La date fut étendue à tous les pays chrétiens par le pape Grégoire XIII.


    Mais beaucoup de personnes eurent du mal à s'habituer à ce nouveau calendrier et certains n'étaient même pas au courant que la date de la nouvelle année avait changé ! Ils continuèrent donc à s'offrir des cadeaux et des étrennes le 1er Avril. Aussi, pour se moquer d'eux, quelques petits farceurs ont eu l'idée de leur offrir des cadeaux un peu spéciaux, des faux cadeaux, des cadeaux pour rire...Et c'est à partir de ce jour là, raconte-t-on, que chaque année au 1er avril, petits et grands mômes prirent l'habitude de se faire des blagues et des farces.


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    Il était une fois, il y a très longtemps un papa et une maman Lapin qui avaient beaucoup de petits Lapins.

    Ils vivaient dans la savane avec d’autres familles de Lapins et étaient tous différents.

    Il y en avait des gris, des roux, des bruns, des tachetés, des foncés, des plus clairs… et parmi eux, le plus petit, un tout petit Lapin blanc. Il était aussi blanc que le lait de la chèvre quand il sort du pis et remplit la calebasse.

    Ce petit Lapin blanc était souvent triste et en colère. Quand il était laissé seul par ses frères, par ses sœurs, par ses amis, il pensait que c’était parce qu’il était blanc. Alors il aurait voulu que ses poils soient d’une autre couleur. Il n’avait pas compris que chaque Lapin est unique. Que chaque Lapin a sa propre personnalité, son propre type de poil et son propre caractère. Il n’avait pas compris que comme tous les autres, il était unique lui aussi et digne d’être Lapin comme chacun.

    - C’est parce que je suis blanc, se disait-il, c’est parce que je suis blanc.

    Et lorsqu’il était mis de côté, il  restait dans son coin et tournait dans ses pensées.

    Parfois, les autres se moquaient de lui parce qu’il était le plus petit de tous. Les autres, eux, n’avaient pas compris, qu’un petit, il faut le respecter, il faut le protéger, il faut l’intégrer. Alors ils se permettaient de lui dire des mots méchants, des mots qui blessaient le cœur du petit Lapin blanc.

    Quand le soir arrivait et que le soleil donnait subitement sa place à la lune, le petit Lapin blanc ne pensait pas à aller se pelotonner contre la fourrure douce de sa mère ou  contre les poils longs et protecteurs de son père. Il ne pensait pas non plus à se confier à ses frères et sœurs, à partager son chagrin pour recevoir du réconfort. Il s’installait tout seul, loin des autres et pleurait doucement. Il pensait à sa couleur, à ce que les autres lui avaient dit, lui avaient fait, ne lui avaient pas dit, ne lui avaient pas fait et il se sentait meurtri et blessé. Un Lapin lui avait mordu l’oreille, un autre lui avait pincé la patte, un troisième tapé sur le dos. Le petit Lapin blanc détestait être traité comme cela mais il ne savait pas quoi faire pour que cela s’arrête. Il ne voyait pas que ses pensées et sa façon d’agir était comme un mur. Quand on est toujours triste et en colère, personne n’a envie d’être avec nous. Alors il restait dans son coin et il rêvait. Il rêvait, il rêvait, il rêvait. Il rêvait de vivre en paix.

    Un beau matin, le soleil se lève et un rayon très doux réveille le petit Lapin blanc. Il aime la douceur. C’est si apaisant, si réconfortant. Il se sent plein de courage. En voyant que les autres dorment encore, il se lève discrètement et va se promener dans la savane. C’est magnifique.

    Et s’il rencontrait quelqu’un qui pourrait l’aider ?

    En arrivant près d’un splendide flamboyant, il voit soudain un Papillon bleu. Il sait que le papillon est sage et délicat alors il décide de lui demander conseil :

    - Bonjour Papillon ! Je suis le petit Lapin blanc et je voudrais vivre en paix. Je sais que  tu es sage et délicat, veux-tu bien me donner un conseil ? Et il lui raconte tous ses soucis.

    - Cela me plaît que tu aies envie de vivre en paix,  lui dit  le Papillon bleu après l’avoir écouté attentivement. Cela me plaît que tu cherches une solution à tes soucis. Moi aussi, tu sais,  j’ai appris à vivre en paix. Avant, quand j’étais énervé ou en colère, je zigzaguais dans les airs et sautais sur tous les insectes pour les dévorer au lieu de calmer ma colère. Je grossissais à vue d’œil à force de manger et j’étais encore plus furieux car je m’en voulais d’avoir grossi. Maintenant, quand je suis en conflit, quand on me fait mal ou qu’on ne pense pas comme moi, je sens ma colère, je vais un peu plus loin, je m’immobilise en l’air, je ferme les yeux et je bas des ailes très vite en respirant profondément. Cela crée une belle lumière bleue autour de moi, comme une bulle, à cause de mes ailes scintillantes. Plus je bas des ailes sur place en respirant, plus je sens le calme à l’intérieur de moi qui revient. Quand le calme est là, tout est plus simple. Tout est plus facile.  Alors je peux aller vers l’animal qui m’a fâché et lui expliquer pourquoi.  

    - Et c’est comme ça que tu fais pour vivre en paix ?

    - Oui petit Lapin blanc. Souviens-toi. Tu peux toi aussi retrouver le calme en battant des oreilles et en remuant ta queue. Si tu respires bien profondément, cela te défoulera, chassera ta peine et ta colère et te rendra plus heureux. Tu vas très bien y arriver, tu verras.

    Le petit Lapin blanc est heureux d’avoir reçu son premier conseil pour vivre en paix. Il remercie chaleureusement Papillon et reprend son chemin dans la savane.

    Un peu plus loin, près du marigot, le petit Lapin blanc rencontre une Biche qui boit tranquillement. Les animaux de la savane disent qu’elle est d’une grande douceur et qu’elle est de bon conseil.

    - Bonjour Biche ! Je suis le petit Lapin blanc et je voudrais vivre en paix. Les animaux de la savane disent que tu es douce et que tu ne te dispute jamais. Veux-tu bien me donner un conseil ? Et il lui raconte tous ses soucis.

    - Cela me plaît que tu aies envie de vivre en paix, lui répond la Biche, après l’avoir écouté attentivement. Tu sais, la dispute fait partie de la vie et cela m’arrive à moi aussi parfois de me disputer. Mais ce que j’essaie toujours de faire, c’est de trouver une solution.  En parlant, en écoutant. Mes pattes sont si délicates, je préfère les garder pour me déplacer que pour donner des coups ! Par contre, je peux utiliser mon imagination pour améliorer la situation et trouver des solutions. Une solution qui soit bonne pour tous. Et si c’est trop difficile, je vais chercher le vieux grand-père Lièvre, il est si malin ! Nous lui racontons ce qui nous tracasse, il nous écoute, il nous questionne et après nous avoir écoutés il trouve toujours une idée originale pour nous rendre la vie plus belle. Quand il y a un problème, il y  a toujours une solution !

    - Et c’est comme ça que tu fais pour vivre en paix ?

    - Oui petit Lapin blanc, c’est important de vivre avec les autres. Souviens-toi. Tu peux toi aussi utiliser ton imagination pour trouver une solution. Et si tu ne la trouve pas, tu peux demander de l’aide, à ton maître, à ta maîtresse, à ta famille.  Tu vas très bien y arriver, tu verras.

    Le petit  Lapin blanc est heureux d’avoir reçu son deuxième conseil pour vivre en paix. Il remercie chaleureusement la Biche et reprend son chemin dans la savane.

    Un peu plus loin, le petit Lapin blanc rencontre un éléphant qui mange en toute quiétude dans le soleil du matin. Tout le monde sait que l’Eléphant est majestueux et paisible. Tout le monde sait que l’Eléphant sait écouter attentivement les autres et tous les murmures de la savane.  

    - Bonjour Éléphant ! Je suis le petit Lapin blanc et je voudrais vivre en paix. Tout le monde sait que tu es majestueux et paisible. Tout le monde sait que tu écoutes toujours attentivement les murmures de la savane et chacun d’entre nous. Veux-tu bien  me donner un conseil ? Et il lui raconta tous ses soucis.

    - Cela me plaît que tu aies envie de vivre en paix, lui répond l’Éléphant, après l’avoir écouté attentivement. Tu sais, avec mes grandes oreilles  j’ai appris à entendre des choses que les autres n’entendent pas. Alors si tu cherches des façons de vivre en paix, écoute-moi. Quand j’étais jeune, j’étais solitaire, je gardais en moi ce qui me dérangeait, et je n’écoutais rien. J’étais souvent fâché ou triste et je ne le disais à personne. Je boudais seul dans mon coin. Et puis je ne pensais qu’à moi. Je me fichais des autres, j’imaginais qu’ils ne voulaient pas de moi. Mais aujourd’hui, vois-tu, je sais écouter à l’intérieur de moi. J’ai aussi appris à écouter attentivement les autres et à cesser d’imaginer des choses sur eux ou sur moi. Je peux maintenant dire ce que je pense, ce que je veux et comment je me sens. J’écoute les autres car ce qu’ils ressentent dans leur cœur  m’intéresse.  On se connaît mieux. On se comprend mieux. On s’entend mieux. Je n’ai plus peur d’eux et ils n’ont plus peur de moi.

    - Et c’est comme ça que tu fais pour vivre en paix ?

    - Oui petit Lapin blanc. Souviens-toi, toi aussi tu peux écouter. Toi aussi tu peux parler. Avec du respect, tu éviteras bien des disputes et ta vie sera beaucoup plus joyeuse. Tu vas très bien y arriver, tu verras.

    Le petit  Lapin blanc est heureux d’avoir reçu son troisième conseil pour vivre en paix. Il remercie chaleureusement l’Éléphant et reprend son chemin dans la savane. Il se sent léger et il a envie de rentrer chez lui. Il est porteur de conseils pour vivre en paix et cela lui fait du bien.

    En arrivant, il rencontre un groupe de petits Lapins qui se moquent de lui. Il sent sa colère monter, mais au lieu de se refermer comme les autres fois, il continue son chemin et s’installe derrière un arbre. Là, comme le Papillon Bleu, il bat des oreilles et remue sa queue pour se défouler et respire profondément. Cela crée une belle bulle blanche autour lui. Une bulle qui le protège. Cela le fait rire de gesticuler comme ça tout seul derrière son arbre et cela lui plaît de rire, il se sent mieux. Alors il fait comme l’Eléphant, il tend l’oreille pour entendre  les murmures de la savane et cela le calme. Puis il  écoute ce qui se passe à l’intérieur de lui pour trouver une solution comme la Biche. Il découvre tout stupéfait qu’il y a des idées à l’intérieur de lui. Beaucoup d’idées. Alors il revient vers le groupe de petits Lapins et il leur parle tranquillement. Il leur demande pourquoi ils se moquent de lui ?  Il leur dit comment il se sent, mais aussi comment il aimerait être traité. Les autres sont étonnés, ils n’ont pas l’habitude d’entendre le petit Lapin blanc leur parler.  Ils n’ont pas l’habitude non plus de le voir joyeux et cela leur donne envie de s’intéresser à lui. En l’écoutant, ils se rendent compte  qu’il veut simplement être avec eux et cela leur fait plaisir.

    - Je trouve que c’est dommage que vous vous moquiez de moi. Je me demande si cela vous plairait qu’on se moque de vous ? Vous êtes colorés, je suis blanc, nous sommes tous uniques et si on jouait ensemble plutôt que de se disputer ? Je n’aime pas être tout seul et je me demande quels sont les jeux que vous aimez. Vous savez, je suis petit, c’est pratique pour les autres d’avoir un petit. Je peux me glisser dans certains endroits où certains ne peuvent pas aller. Alors, on joue ?  

    Les petits Lapins sont stupéfaits. Jamais le petit Lapin blanc ne leur a parlé comme cela et cela les motive à jouer avec lui.

    En rentrant ce soir-là, le petit Lapin blanc est vraiment heureux et fier.

    - Ce n’est pas si compliqué que ça, de vivre en paix, se dit-il, et pendant le repas il raconte tout à ses parents et à ses frères et sœurs. Il leur dit comment battre des pattes pour se défouler et respirer pour se calmer, comment parler pour trouver des solutions, vers qui aller pour trouver de l’aide quand on a des soucis, comment écouter les murmures de la savane et à l’intérieur de soi, comment avoir de l’humour et du plaisir, comment écouter et dire la vérité aux autres. Ses parents l’écoutent avec attention. Ils voient qu’il a confiance, qu’il change et sont fiers de lui. Petit Lapin blanc devient grand. Ses frères et sœurs sont étonnés. Lapin tacheté et Lapin roux sentent une pointe de jalousie. Ils n’ont pas encore compris qu’ils peuvent aussi suivre les bons conseils pour vivre en paix.  Il n’y a personne à envier, les bonnes idées, tout le monde peut les utiliser.

    Dans son terrier ce soir-là, le petit Lapin blanc se sent bien. Il sait qu’il peut se confier, partager avec les autres et les intéresser. Il repense à sa journée et décide d’inventer chaque jour de nouvelles idées pour vivre en paix. Puis il s’endort doucement. Il vit maintenant dans un monde qui ne lui fait plus peur. Il se sent doux et en sécurité, bien avec les autres, libre et joyeux. Il est en paix.

     


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