• LE PETIT ARBRE

     

     

    Gaïa et Alaïa habitaient dans un très grand pays. Les villes étaient grandes, les maisons étaient grandes, les magasins étaient grands. Les habitants travaillaient beaucoup, car plus ils travaillaient, plus ils pouvaient acheter de grandes choses. C’était un peu ennuyeux mais, heureusement, ils pouvaient aussi faire de grands voyages.
    Un jour, quand le soleil commença à se coucher beaucoup plus tard, les parents de Gaïa et Alaïa les emmenèrent très loin, au bord de la mer, dans une petite maison avec un jardin minuscule.
    Seul l’horizon était infiniment grand.
    Il y avait beaucoup d’oiseaux, d’arbres, de fleurs, de cailloux, d’écureuils, de coquillages, de pommes de pin, de coccinelles de sauterelles… On entendait le bruit des vagues du matin au soir et du soir au matin. Souvent pendant la nuit, la mer montait si haut que Gaïa et Alaïa avaient l’impression de dormir dans un bateau.
    Plusieurs semaines passèrent et le soleil commença à se coucher plus tôt. Le soir les oiseaux chantaient moins longtemps et les nuages allaient plus vite dans le ciel. Gaïa et Alaïa savaient que, bientôt, elles devraient rentrer dans leur grand pays. 
    Mais elles ressentirent alors quelque chose d’inhabituel… quelque chose comme une pierre dans leur petit cœur. Non, elles ne pourraient pas partir comme çà… Elles devaient absolument laisser quelque chose d’elles dans cet endroit magique. Mais quoi ? 
    Elles réfléchirent très fort, rêvèrent beaucoup et puis enfin, elles trouvèrent.
    Elles avaient décidé de planter un arbre.
    Avec leurs parents, elles allèrent dans un endroit isolé situé derrière une colline.
    Il y avait des fleurs de toutes les couleurs, des arbustes et des plantes aux formes extraordinaires. Une odeur de résine et d’herbes sèches flottait dans l’air. Un vieux monsieur qui portait un chapeau de paille et une salopette pleine de trous les conduisit jusqu’à une vieille grille envahie de lierre. Derrière il y avait un petit jardin avec de tous petits arbres alignés en rangées régulières. Certains avaient de grandes feuilles arrondies, d’autres de petites feuilles pointues. Il y avait même de minuscules palmiers, dattiers et bananiers. 
    Gaïa et Alaïa les observaient tous, ne sachant lequel choisir. Le vieux monsieur les prit alors par la main et les emmena dans un coin très ensoleillé où poussait, seul au milieu du gazon bien tondu, un petit arbre qui ne ressemblait à aucun autre. Il était ravissant avec ses fruits rouges en forme de cœur et ses feuilles légères qui bruissaient doucement dans le vent. Un petit oiseau jaune, posé sur une des branches, chantait à tue-tête sans se préoccuper des visiteurs.
    Le vieux monsieur creusa un grand trou tout autour de l’arbre et dégagea les racines avec précaution. Le petit oiseau jaune décida de rester sur son arbre préféré.
    Gaïa, Alaïa et leurs parents rentrèrent à la maison. Pendant que leur papa creusait un trou dans le jardin, le petit oiseau jaune, un peu intimidé, vint se poser sur l’épaule de leur maman.
    Enfin le grand moment arriva. Gaïa et Alaïa prirent l’arbre et le plantèrent délicatement à son nouvel emplacement. Puis, l’une après l’autre donna à boire au petit arbre qui allait commencer sa nouvelle vie.
    Le papa de Gaïa et Alaïa alla ranger ses outils. Mais il remarqua, accroché au métal du râteau, un morceau de papier. Alors qu’il s’apprêtait à le mettre dans sa poche, il vit avec surprise que c’était en fait un tout petit livre qui tenait dans le creux de la main. Il l’ouvrit et lut à haute voix le texte minuscule : « Ceci est l’arbre du bonheur, celui qu’on offre aux enfants qui font de beaux et de grands rêves et qui souhaitent de tout cœur qu’ils se réalisent. Cet arbre deviendra magnifique parce-que ces enfants l’ont planté avec amour. » 
    Après avoir dit au revoir au petit arbre, Gaïa et Alaïa rentrèrent dans leur grand pays.
    Mais, dans leur petit cœur de petite fille, il y avait un tout petit arbre qui allait prendre beaucoup, beaucoup de place.

     


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    Partout sur la terre voyageait un couple mystérieux :
    Lui, se nomme Amour et Elle, Tendresse.

    Elle passe son temps à le nourrir pendant que lui emporte les palmes du succès !
    Elle est, semble-t-il, plus naturelle...
    Une drôle de petite chaumière les abrite, elle a nom "coeur" ou "esprit" selon les êtres.
    A l'aube de leur vie, Elle est déjà plus forte que Lui, plus présente peut être ;
    Lui, semble-t-il ose moins se dire et parfois l'empêche, Elle, de s'exprimer.
    Plus pudique ou plus méfiant ? nul ne le sait.
    Bien souvent, on l'invite Lui à venir réchauffer notre chaumière
    mais souvent on oublie que Elle, si elle se donne, Elle a aussi et souvent besoin 
    de se ressourcer, de recevoir.
    Si vous ne savez par leur donner un cocon pour les y loger,
    ils s'amenuisent et meurent dans l'indifférence,
    mais pour qui sait les regarder et les abreuver, 
    Ils seront son bâton de vieillesse, et de pélerin.
    Ils se soutiennent, sont indissociables. On eut crû un moment qu'Ils n'étaient
    qu'un, mais d'aucuns ont osé s'en jouer et maintenant,
    il n'appartient quà de rares élus de les abriter tous les deux ensemble...

    ....Et n'a-t-on jamais vu sur un vieux banc de bois,
    sourire sous la neige de leur cheveux, 
    Monsieur Amour et Madame Tendresse, tout au bout de leur route à deux ?

     

     


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    L'on raconte qu'aux temps anciens, il était une jeune femme très belle, aussi belle que la lune. Et cette femme, les nuits de pleine lune, se fardait, peignait et parfumait ses longs cheveux, revêtait ses habits les plus riches, se parait de tous ses bijoux et sortait.

    Pour mieux découvrir le ciel, elle gagnait une hauteur. Et là, elle levait son visage resplendissant vers la lune et lui demandait :

    Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et la lune lui répondait :

    Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté. Et la jeune femme se lamentait et maudissait l'enfant qui était dans son sein.

    Pendant des mois, elle se tourna ainsi vers la lune pour lui demander :

    Qui de nous est la belle, Ô lune, qui de nous est la belle ? Et chaque fois la lune répondait :

    Toi et moi sommes également belles, mais la fille que tu portes en toi nous passera en beauté.

    Au terme de sa grossesse, elle mit au monde une fille à la chevelure d'or, une fille aussi belle que lune en plein ciel. On l'appela Jedjiga : Fleur. Chaque jour augmentait sa beauté. Les voisines disaient à sa mère :

    Certes, belle tu l'es. Mais la beauté de ta fille éclipsera la tienne.

    Et la jeune femme, en entendant ses mots, sentait le poignard de la jalousie la transpercer. Elle se dit dans son cœur :

    Lorsque cette enfant sera devenue adolescente, nul ne me regardera plus.

    L'enfant avait huit ans. Elle était pleine de vie et de grâce. Sa mère lui dit un soir :

    Demain, nous mettrons sur le métier une grande couverture. Nous irons planter les montants dans la campagne. La voisine nous accompagnera.

    Au matin, elle prit deux montants bien solides et une grosse pelote de laine. Elle appela la

    voisine et toutes deux partirent emmenant la fillette. Elles laissèrent le village loin derrière elles et atteignirent une colline. Elles s'arrêtèrent. La mère dit alors à l'enfant :

    Nous allons enfoncer les montants dans la terre. Toi, tu feras courir la laine entre nous. Te voici grande, tu pourras bien tenir la pelote ?

    La mère savait bien ce qu'elle faisait. La fillette se mit à faire courir la laine.

    Plus vite ! Plus vite ! lui dit sa mère.

    La pelote était lourde. Elle s'échappa des mains de l'enfant et se mit à rouler.

    Cours et rattrape-la ! Cria la mère.

    L'enfant s'élança. La mère coupa le fil et la pelote roula plus vite, encore plus vite, entraînant Jedjigha vers le ravin. Puis brusquement, la pelote disparût.

    La fillette la chercha vainement dans les ronces et les buissons. Revenir en arrière ?... Elle avait perdu son chemin. Alors elle marcha au hasard sur ses petites jambes. Elle marcha longtemps, elle marcha jusqu'à l'orée de la forêt. C'est alors qu'elle découvrit, à demi-masquée par une épaisse végétation, l'entrée d'une caverne. Elle se fraya un passage et entra. La caverne était profonde. Lorsqu'elle eut fait quelques pas et qu'elle se fût habituée à la pénombre, l'enfant vit, enroulé sur lui-même comme un énorme bracelet, un serpent. Elle poussa un cri. Il dressa la tête, ouvrit les yeux comme des étoiles et la regarda. Il regarda la petite fille que Dieu seul avait pu créer. La course avait rendu son visage semblable à une rose ; les épines avaient égratigné ses pieds et ses mains. Ses vêtements étaient déchirés. Tant de beauté éblouit le serpent ; tant de grâce et de faiblesse l'émut. Il remercia Dieu dans son cœur. L'enfant tremblait. Il lui dit :

    Ne crains rien, je ne te ferai aucun mal. Mais dis-moi, petite fille, ce qui t'a conduite jusqu'à moi.

    Elle était sur le point de pleurer mais entendant le serpent lui parler dans un langage humain, elle se sentit rassurée. Elle lui dit :

    Je tenais une pelote de laine : elle était lourde. Elle est tombée de mes mains et elle a roulé , roulé. Je l'ai suivie...Je l'ai perdue de

    vue et j'ai continué à marcher jusqu'ici.

    Il prit de l'eau pour lui laver le visage, les mains et les pieds. Il la fit asseoir et lui servit à manger. Elle mangea de la galette de blé et but du lait. Dans un endroit bien abrité, il lui étendit une couche et l'y conduisit pour qu'elle se reposât.

    Il faut dire que ce serpent n'était pas un véritable serpent. D'abord, il avait commencé par être un homme heureux : il possédait une maison, une femme, de nombreux champs et toutes sortes de biens et de richesses. Mais une nuit, par mégarde, il marcha sur un serpent. Ce serpent le regarda, se dressa et lui soufflant son haleine au visage, lui dit :

    Tu m'as écrasé. Tu deviendras serpent comme moi et tu le resteras tant que je vivrai, afin que les hommes te foulent aux pieds !

    C'est ainsi qu'il fut changé en serpent. Il abandonna sa famille, sa maison et tous ses biens. Il déserta le monde et se réfugia dans la forêt. Il se rapprocha des bêtes, se mit à vivre à leur façon, à se nourrir de chair et de sang. Mais si son corps était celui d'un serpent, son cœur et son esprit étaient restés ceux d'un homme. Il n'avait fui ses semblables que dans la crainte d'être écrasé par eux. Mais la solitude lui était amère. Elle le minait. Depuis longtemps il n'avait vu l'ombre d'un être humain lorsque lui apparût la fillette. C'est pourquoi, à la vue de son visage de rose et de ses petits membres fatigués, le cœur du serpent se fondit de tendresse.

    L'enfant s'était endormie. Il sortit, tua deux perdrix, cueillit des légumes et des fruits , et rentra. Il alluma le feu, mit en train le repas et alla réveiller la fillette. Il lui demanda avec douceur :

    Quel est ton nom ? Quel est le nom de ton village et celui de tes parents pour que je te conduise vers eux ?

    Elle répondit :

    Je m'appelle Jedjiga, mais je ne sais ni le nom de mes parents ni celui de mon village.

    Le serpent qui ne pouvait reparaître aux yeux des humains se tut. Il réfléchit longuement, promena ses regards autour de lui et finit par dire :

    Tu resteras ici jusqu'à ce que Dieu t'ouvre un chemin. J'épouse ta faim et ta soif : tu seras mon enfant . Mais tu devras m'obéir et ne jamais dépasser le seuil de la caverne. Nous sommes ici dans le royaume des bêtes ; il pourrait t'arriver malheur si tu t'aventurais.

    Le serpent l'éleva. Il fut pour elle à la fois un père et une mère. Il lui apprit à préparer les repas et à aimer l'ordre. Il la combla, l'entoura de tendresse. Elle lui obéit tant qu'elle était petite ; devenue adolescente, elle connut l'ennui. Elle eut la nostalgie du ciel, du soleil. Elle voulut découvrir le monde.

    Le serpent la laissait souvent seule pour aller chasser et couper du bois : elle mit à profit ces absences. Tout d'abord elle se contenta de regarder timidement au travers des hautes herbes et des branches qui cachaient l'entrée de la caverne. Et puis elle s'aventura au dehors. Mais elle rentrait toujours avant que le serpent ne revint.

    Un jour, un bûcheron l'aperçut et fut émerveillé. Comme il approchait pour la mieux considérer, elle disparut. De retour au village, il raconta son aventure à qui voulait l'entenre :

    J'allais couper du bois dans la forêt lorsque je vis sortir de terre une créature, une créature... une nappe d'or la couvrait jusqu'aux pieds. La lumière qui en émanait m'éblouit. Sans doute était-ce la fée gardienne de la forêt ? Je voulus m'approcher pour voir son visage, mais elle avait déjà disparu !

    Cette histoire, de l'un à l'autre colportée, arriva aux oreilles du prince qui n'hésita pas à interroger le bûcheron.

    Prince, répondit le bûcheron, une créature m'est bien apparue à l'orée de la forêt. Elle était debout, contre un arbre. Etait-ce un ange, une fée ?... Son visage défiait la lumière. Une

    nappe d'or l'habillait. Quand je voulus regarder de plus près, je m'aperçus qu'elle n'était plus là !

    Demain, au point du jour, tu me conduiras où elle t'est apparue, dit le prince.

    L e lendemain, la jeune fille finit par se montrer à l'entrée de la caverne. La nappe d'or qui l'habillait, c'étaient ses cheveux. Et c'est tout ce que virent d'elle le prince et le bûcheron qui la guettaient à travers le feuillage. Le prince décida de rester seul pour savoir si l'étrange créature était mortelle ou fée.

    La jeune fille demeura longtemps sur le seuil et puis elle rentra. Peu après, le prince vit cette chose qui le stupéfia : le serpent qui avançait debout, portant des légumes, des fruits et du gibier car, lorsqu'il était chargé, il ne rampait pas ! Le serpent déjeuna, fit la sieste(c'était l'été) et sortit à la fraîcheur pour faire sa promenade. Alors, le prince put approcher de la caverne et contempler la jeune fille. Elle se tenait appuyée à un arbre, et elle portait à sa bouche des grains de raisin. Il pensa : "puisqu'elle mange, je puis l'aborder !" Il écarta les branches et lui dit en s'avançant :

    Au nom de Dieu, je t'en prie, dis-moi qui tu es, créature !

    Elle répondit :

    Je suis un être comme toi. Je suis la fille du serpent.

    Il la regarda tandis qu'elle parlait, s'émerveillant de son visage épanoui comme une rose. Il l'interrogea sur son village, sur ses parents. Elle répondit :

    C'est ici, dans cette caverne, que j'ai vécu et grandi. Le serpent m'a élevée : je suis sa fille. Mais c'est à son insu que je sors. Ne va pas le lui dire, ni lui raconter que tu m'as vue surtout ! Et elle rentra.

    Le prince s'en alla trouver son père ; il lui déclara :

    Je veux épouser la fille du serpent.

    Le roi s'indigna. Le prince tomba malade d'un grand mal. La fièvre ne le quitta ni jour ni nuit. Le roi finit par demander :

    Mon fils, qu'est-ce qui te guérirait ?

    Laisse-moi épouser la fille du serpent, dit le prince, et tu verras que je guérirai.

    Comme le prince dépérissait de jour en jour, le roi céda. Il se rendit chez le serpent et lui dit :

    Donne-moi ta fille pour mon fils.

    Le serpent répondit :

    Roi, il y a sept ans qu'elle est venue à moi. Je l'ai élevée comme ma fille. Elle m'est plus chère que le haut-ciel. Mais puisque, ô roi, tu la veux, la voici : je te la confie. Comble-la de présents et veille sur elle comme je l'ai fait moi-même jusqu'ici. Quant à moi, je ne te demanderai qu'une chose : une outre de sang.

    Le jour où elle devait se séparer de lui pour suivre le roi à la cour, le serpent dit à la jeune fille :

    Va ma fille, sois vaillante, va et ne regarde surtout pas en arrière mais toujours en avant !

    Elle monta une jument toute caparaçonnée de soie et le roi l'escorta. Mais au bout d'un moment elle s'écria :

    J'ai oublié mon peigne !

    Elle descendit de sa monture et courut vers la caverne où elle surprit le serpent en train de se repaître de sang. Elle le vit changer d'expression. Il lui dit, tout honteux :

    Ne t'avais-je pas recommandé de ne pas revenir en arrière ?...Tu t'en repentiras !

    Elle s'en retourna tout effrayée vers le roi.

    Elle vécut heureuse à la cour durant quelques mois. Le prince, son mari l'aimait tendrement. A la grande joie de toute la famille royale, elle mit au monde un enfant aux cheveux d'or, un enfant à sa ressemblance. Elle garda le lit quarante jours et puis, un matin, elle se leva pour se mêler à la vie de la cour. Lorsqu'elle revint vers l'enfant, il avait disparu. On le chercha partout, on remua ciel et terre pour le retrouver mais en vain.

    L'année suivante, elle eut un nouvel enfant, un enfant comme le premier, à la belle chevelure d'or. Au bout de quarante jours, il disparut aussi. Le roi et la reine dirent alors à leur fils :

    Remarie-toi ! Quel bien peut-il nous venir de la fille du serpent ?

    Mais le prince qui mettait son espoir en Dieu répondit à la reine et au roi :

    J'ai choisi Jedjiga pour elle-même et non pour les enfants qu'elle me donnerait.

    La jeune princesse eut successivement sept garçons, sept garçons à la chevelure d'or qui tous, lui furent ravis quarante jours après leur naissance. Elle fut surnommée : "celle qui croque ses enfants". Mais le prince l'aimait toujours.

    Huit ans s'étaient écoulés depuis que Jedjiga avait quitté la caverne du serpent pour la cour du roi quand un soir, elle dit au prince :

    Demain, conduis-moi vers mon père, afin qu'il me pardonne... Il fit selon son désir.

    Comme ils arrivaient près de la caverne, le prince et la princesse virent six petits garçons aux cheveux d'or qui jouaient et se poursuivaient de façon charmante. Un vieillard élevait dans ses bras le septième enfant aux cheveux d'or.

    La princesse cherchait des yeux le serpent. Alors le vieillard s'avança et lui dit :

    Ne le cherche pas, c'est moi. Il y a longtemps, une nuit, j'ai marché sur un serpent par mégarde. Il s'est vengé en me rendant serpent comme lui. Mais il est mort et son pouvoir sur moi est mort. Il dit encore :

    Le jour où tu m'as quitté pour aller vers ton époux, je t'avais recommandé de ne pas revenir en arrière. Tu es revenue et tu m'as surpris en train de boire du sang. Tu m'as humilié et je t'ai dit : "Tu t'en repentiras".

    Il tendit à la princesse le bébé qu'il avait dans les bras et se tourna vers le prince :

    C'est moi, prince, qui suis venu chercher tes enfants les uns après les autres pour punir ma fille. Je les ai élevés avec tendresse, comme j'ai élevé leur mère. Sept fois, prince, tu t'es trouvé devant un berceau vide et tu n'as pas humilié ma fille. Tu l'as aimée au contraire et tu l'as protégée. Voici tes enfants... je te les rends. Et il poussa vers lui les six enfants aux cheveux d'or.

    Mon conte est comme un ruisseau, je l'ai conté à des seigneurs...


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  • LE DON DE LA CHOSE

     

     

    Au pays de Tounay Kebôté, vivaient un roi et une reine au comble du bonheur. Le grand jour était enfin arrivé ! La jeune reine était sur le point de mettre au monde son premier enfant.
    Soudain, un cri déchirant retentit. La reine tenait entre ses mains une adorable petite fille qui n'avait... qu'un oeil aveugle ! La honte s'abattait sur ce royaume où tout était parfait. Le roi, ému par les larmes intarrisssables de sa jeune épouse, décida qu'il valait mieux se séparer de cette "chose". Elle n'apporterait que malheur et tristesse... N'ayant pas le coeur de mettre fin lui-même à ce cauchemar vivant, il chargea son plus fidèle chevalier d'emmener le bébé au fin fond du royaume et de l'enfermer jusqu'à la fin de ses jours au sommet de la plus haute tour du château de la forêt de Trouperdu.
    Ainsi grandit la jeune princesse : loin de tout et de tous. Tant et si bien qu'on finit par l'oublier.
    Les oiseaux, ses seuls compagnons de solitude, lui avaient raconté sa triste histoire mais elle ne s'en plaignait jamais car, après tout, elle passait son temps à chanter et à rire avec eux. Ce qu'elle ignorait, c'est que, malgré sa laideur, son sourire parait le paysage environnant des couleurs les plus subtiles et les plus éclatantes.
    Un beau jour, le prince du royaume d'Otanty Cité, blessé mortellement à la suite d'un combat, se retrouva au pied du château où la "belle" échangeait quelques propos musicaux avec un rossignol. Tout semblait perdu pour lui et il se demandait qui pourrait bien le secourir, lorsqu'un miracle s'accomplit. La voix de la jeune princesse, parvenue jusqu'à lui, lui redonnait force et vitalité. Bien sûr, dans la bataille, il avait perdu un bras. Mais l'essentiel c'est qu'il était vivant !
    Levant la tête, il découvrit avec stupeur la difformité de celle qui lui avait sauvé la vie. Après tout, ce monstre avait un don ! Il se présenta et la princesse lui raconta sa triste histoire. On ne pouvait cacher plus longtemps ce trésor et il était temps de donner une bonne leçon aux hatitants de Tounay Kebôté qui avaient cruellement rejeté la princesse.
    Il demanda à son ami le dragon de la montagne de Glace d'étaindre le soleil de son souffle puissant. Tout le royaume fut ainsi plongé dans le froid et l'obscurité. Seule condition pour ranimer le soleil, que la princesse lui chante une chanson. Avec dégoût, on se résigna à délivrer la princesse et à la ramener. Mais lorsque les premières notes commencèrent à vibrer, on découvrit avec merveille que celle-ci avait un don. La reine, tombée en catalepsie depuis le jour fatidique, recouvra ses esprits. On s'excusa auprès de la princesse. On lui rendit la place qui était la sienne et on la choya plus que jamais.
    Le roi et la reine furent heureux de retrouver leur fille. Elle épousa le prince du royaume d'Otanty Cité et, à compter de ce jour, la tristesse et la maladie furent banis du royaume.

     

     


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  • LA MALLE MAGIQUE

     

     

    La porte s’était refermée brutalement comme à chaque fois, comme les autres fois.

    Sarah se précipita avec rage, les deux poings serrés et tambourina frénétiquement.
    - Laissez-moi, je vous en prie, laissez-moi sortir !!!

    Elle savait déjà que ses cris, comme à chaque fois resteraient sans réponse. Elle s’effondra, découragée. Les larmes inondèrent comme un torrent ses joues rouges de colère, de peur et de froid.
    Elle connaissait la cabane par cœur, le bois entassé, à droite, en bûches uniformes, bien calibrées, prêtes à être jetées dans la cheminée, qu’elle ne voyait jamais. De l’autre côtés, des cartons délaissés, éventrés, déformés. Derrière elle, une malle, gigantesque noire et or dans laquelle ses geôliers avaient menacés plusieurs fois de l’enfermer.
    La nuit était tombée depuis longtemps déjà, la tempête s’était levée, l’air se chargeait des effluves de la mer toute proche.
    Sarah, assise en tailleur crut entendre une voix.
    - Tu devrais l’ouvrir, disait-elle.
    Elle était secouée de tremblements incontrôlables.
    - Ouvre la malle Sarah, viens…

    D’un revers de la manche, elle tenta d’éponger les larmes qui troublaient sa vue et tourna la tête lentement. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir deux lutins endimanchés, la main dans la main, LUI un chaperon suranné et difforme laissant échapper quelques boucles hirsutes, ELLE un fichu élimé jaune paille noué à la hâte sous son menton fripé.
    Sarah se releva dans un élan pour aller se réfugier contre les cartons et s’enfonça dans l’humidité automnale de la matière.
    - Laissez-moi, hurla t-elle, n’approchez pas !!!

    Ils reculèrent de quelques pas, LUI ôta son chaperon ridicule et prit un air gêné.
    - Ne te méprends pas petite, grand peine tu nous fais, c’est pourquoi nous avons décidé de te venir en aide. La malle te sera d’un grand secours, tu peux nous croire, tu n’es pas la première…

    ELLE tenta de s’avancer.
    - Ouvre-la, Sarah, tu ne le regretteras pas.

    *

    Il lui fallut toute la force du désespoir pour compenser la peur incommensurable qu’elle ressentait.
    Il lui fallut la certitude que rien de pire que le traitement qu’elle avait subi jusqu’alors ne pouvait lui arriver.
    Il lui avait fallu contrôler ses mouvements désordonnés pour saisir le loquet de cuivre, le faire basculer à la verticale, faire coulisser la tige métallique, soulever le battant imposant pour découvrir le contenu énigmatique de cette malle surdimensionnée.

    Un vide, le vide, le néant, la déception.
    Découragée, elle allait la refermer lorsque son regard fut attiré par une bordure enluminée. Elle se pencha pour atteindre cette lumière inattendue, tendit le bras, bascula le bassin et tomba la tête la première à l’intérieur. Sous le choc, le battant retomba violemment et Sarah se retrouva prisonnière. Sa main avait atteint la clarté singulière qui avait attisé sa curiosité, elle s’en saisit et réalisa qu’il s’agissait d’un livre. Sans plus réfléchir, elle l’ouvrit au hasard. Une lumière tamisée et diaphane envahit l’habitacle étroit et rassura la petite fille.
    Elle caressa la page ou s’inscrivait ces quelques mots « Il était une fois… », elle suivit du bout du doigt la forme calligraphiée du i majuscule et sentit indiciblement qu’il s’enfonçait dans le paysage apaisant fait de fleurs aux formes harmonieuses, de soleil, d’enfants heureux et de fête foraine.
    Elle se sentit aspirer délicatement par l’ouvrage et se laissa glisser au milieu du l’image.

    *


    Assise sur une colline bucolique, elle respira l’odeur enivrante des fleurs alentour, elle caressa le duvet composé d’une herbe tendre et moelleuse, elle entendit au loin les rires joyeux d’autres enfants et vit s’éloigner à pas lents deux lutins qui se donnaient la main, LUI, un chaperon suranné et difforme laissant échapper quelques boucles hirsutes, ELLE, un fichu élimé jaune paille noué à la hâte sous son menton fripé.

     


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